La Sagesse de l'Idiot

Marto Pariente

Gallimard / Série Noire - Janvier 2024 - Traduction (espagnol) : Sébastien Rutès

Tags :  Roman noir Comédie Crime organisé Corruption Psychologie Flic Espagne Années 2020 Entre 250 et 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 17 juin 2024

Recommandé Toni Trinidad, le seul policier d’Ascuas, un village perdu dans la campagne autour de Madrid, se rend chez son psy, le docteur Barrios, auprès de qui il suit une thérapie depuis trois mois.
Il a fait sa connaissance après que ce dernier ait emplafonné un jeune chevreuil et finit sa course dans un chêne. Les deux hommes firent connaissance à cette occasion et Toni arrangea le coup tout en lui racontant sa vie, si bien qu’en remerciement le docteur Barrios lui proposa son aide. Toni bénéficiait gracieusement depuis de la science du thérapeute que toute la bonne société madrilène s’arrachait à prix d’or.

À cinq ans à peine, lui et sa sœur Vega ont vu leurs junkies de parents périr dans l’incendie de leur maison avant d’être recueillis dans un orphelinat qui leur a laissé de bien mauvais souvenirs. Aujourd’hui quinquagénaire, Toni a la phobie du sang depuis qu’il a égorgé le surveillant-chef de l’orphelinat pour protéger sa sœur et a une bien piètre estime de lui-même. Quant à Vega, elle est désormais alcoolique depuis une sévère rouste assenée pas son mari Chimo. Depuis qu’il a disparu, c’est elle qui fait tourner la casse automobile.

De son côté, Rocha, inspecteur des stups, est à la poursuite d’un trafiquant surnommé l’Apiculteur. Trejo la Mouette, son indic, vient de lui lâcher une information sur une livraison de drogue qui pourrait lui permettre d’endiguer le trafic et de mettre le roi des abeilles sous les verrous. Et Vega, la sœur de notre ami Toni, est au cœur du dispositif. Du mauvais côté pourrait-on dire, puisque la livraison doit intervenir dans la casse qu’elle dirige.
Parallèlement, Triste, le fou du village et ami de Toni est retrouvé pendu. Le suicide est envisagé, mais Toni n’est pas de cet avis. D’autant qu’un promoteur convoitait la propriété de son ami, le dernier à ne pas vouloir céder à ses avances…

Marto Pariente sait embarquer son lecteur, c’est indéniable. Par de courts chapitres et une écriture toute en légèreté, il installe ses personnages et son intrigue avec une grande efficacité, nous proposant une sympathique galerie de gentils « bons à rien » auxquels on s’attache rapidement. On sent bien qu’une forme de chaos est en phase d’approche, sans que rien ne vienne troubler son ascension, mais tout ça se déroule dans une atmosphère bon enfant. Même les plus « méchants » du lot sont attendrissants dans leur bêtise.

À travers une construction « éclatée », avec des flash-backs, des changements de narrateur, de personnages, de point de vue, mais dans une progression savamment orchestrée, l’auteur organise son récit. Toni s’exprime à la première personne, narrateur en chef, tandis que sa sœur Vega s’en remet au tutoiement. Ils forment le cœur battant du roman, les victimes. Pour les autres, on se contentera du « il » qui les englobe tous, les bourreaux.

Pour le reste, Marto Pariente joue en maître une jubilatoire partie de billard à plusieurs bandes qui laisse apparaître quelques facettes de la « vérité » espagnole. On aura affaire à quelques promoteurs véreux acoquinés avec les banques, à un trafiquant au bord de la retraite, à un tueur gitan à la foi inébranlable, à une police à l’efficacité et à la morale douteuses, aussi bien qu’à une banlieue éloignée de Madrid laissée en déshérence, ou une capitale pas beaucoup mieux lotie.

À chaque feu, des vendeurs de kleenex et des acrobates de rue se tiraient la bourre. Sur le trottoir, des gens marchaient d’un pas pressé, véloces, la nuque baissée comme s’ils avaient perdu quelque chose et s’efforçaient de le retrouver dans leur téléphone portable. Ils passaient devant un mendiant qui lisait un livre assis sur un carton ; à ses côtés, le travail de son chien consistait à surveiller une pancarte écrite à gros traits et des pièces de monnaie dans une boîte de conserve. Au-dessus de tout ce petit monde, sur les panneaux publicitaires, des multinationales gaspillaient leur argent à faire la pub pour des parfums de luxe, des voyages et les dernières nouveautés en matière de téléphonie mobile.
Incompréhensible, je sais.

Si le pauvre Triste a toujours été le fou du village (on apprendra pourquoi), Toni en est l’idiot déclaré, jusqu’à ce qu’on découvre à quel point il peut aussi montrer toute sa sagesse.

Pour tout dire, je ne m’y connais beaucoup en presque rien.

Roman à la fois noir et drôle, bercé par un couple frère-sœur irrésistible, surmontant à sa manière la lourdeur d’un passé commun se prolongeant dans le présent, Le Sagesse de l’Idiot est un premier essai magistralement transformé, tout en maîtrise et en fausse légèreté.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Loin d’être un spécialiste du polar hispanique, j’en apprécie toutefois la musique si particulière.
Celle de Carlos Salem, par exemple, ou celle, plus ancienne, de Paco Ignacio Taïbo II, qui m’avait enchanté avec son inoubliable A Quatre Mains.

Le début...

Les dix premières lignes...

Ascuas poussait entre des montagnes pelées et arides, sur la route des lacs de barrage. Une entaille, rien de plus. À peine une douzaine de rues tordues qui partaient de la place du village comme les petites veines éclatées sur le visage des alcooliques. La plaie, l’hémorragie, était circoncise par une poignée de routes secondaires qui la comprimaient comme des varices sur la jambe d’une vieille.
Parfois, je me disais que si le village était… comment dire, une personne, quelqu’un comme moi, il aurait l’air d’un type perdu au milieu de nulle part, la main en visière sous un soleil de plomb ou sous la pluie, selon l’époque de l’année. Dans tous les cas, un pauvre type déboussolé, les chaussures sales, et qui ne saurait pas bien où aller. Enfin, vous voyez ce que je veux dire, il se peut que je ne parle pas seulement du village…
Peu importe.
Toujours est-il que je me suis levé ce matin-là et que j’ai enfilé mon uniforme de police avant d’aller prendre le café chez mon vieil ami Triste. Lequel, à un moment donné, après avoir bu d’un trait le jus dans sa tasse, a sorti un poisson de sa poche et s’est mis à lui parler tout bas.
Rien d’étonnant, Triste était le fou officiel d’Ascuas, il y en a un dans chaque village, parfois plus (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Toni Trinidad, unique policier municipal du village d’Ascuas, est un homme solitaire et un peu simplet qui ne porte jamais d’arme, s’évanouit à la vue du sang et ne souhaite qu’une chose : préserver sa tranquillité.
Or sa vie n’est pas simple : son poste est menacé, son ami Triste a été découvert pendu, et sa sœur Vega, qui gère seule la casse du village depuis la disparition de son mari, a de solides ennuis avec un cruel trafiquant de drogue local. Aussi Toni se trouve-t-il malgré lui dans l’obligation d’agir.
Au cœur de la campagne de Guadalajara, entrepreneur véreux, trafiquants en faillite et tueurs à gages croisent la route de Toni pour son plus grand malheur, ou le leur…


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Marto Pariente










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