Les Arènes - Octobre 2023 - Traduction (anglais) : Antoine Chainas
Tags : Polar rural Trafic Corruption Flic Truand Amérique profonde Années 2010 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 27 décembre 2023
Préparez-vous à quelques séances d’apnée à l’entame de cette lecture ; la plongée est brutale. Mais lorsque le brouillard se dissipe, qu’on commence à comprendre qui est qui, qui fait quoi, et que le motif apparaît, on n’est pas déçu du voyage.
De fait, on croise d’abord Chowder Thompson, truand local acoquiné avec des bikers, trafiquant indépendant et tenancier à ses heures perdues et avec sa fille Irma d’un minable bordel de campagne et d’un magasin d’articles de pêche. Le petit roi de Spruce et du comté d’Hamilton, Missouri, pour qui Jimmy Mondale, le shérif, fait office d’homme à tout faire afin d’éliminer la concurrence.
En poste depuis quelques dizaines d’années, l’homme de loi a monté avec son compère une petite affaire florissante qui échappe aux radars. Une association contre nature, mais qui lui permet de subvenir aux besoins de ses administrés. On se débrouille comme on peut… Vieillissant, il gère sa petite communauté isolée en père tranquille et, célibataire depuis que sa femme Shirley l’a quitté, il a de temps en temps des nouvelles de ses filles, dont Eileen, encore étudiante et forte nature.
Justement, cette dernière est de passage et a fait intimement connaissance avec Terry Hickerson, un bon à rien notoire, plus pour ses qualités d’étalon que pour son intelligence. Reste que ce dernier n’a pas aimé se faire larguer, et d’autant moins par la fille du shérif qui vient de mettre en cabane son dealer favori. Il décide de raconter partout et d’écrire (décrire) l’histoire de sa folle nuit d’amour. On a les vengeances qu’on peut…
Accessoirement, le procureur du coin a pris dans ses filets un indicateur qui est en passe de révéler les arrangements entre Chowder et le shérif Mondale. La température monte dans le comté d’Hamilton, il est grand temps de réagir…
Les Affreux… perdus au fin fond de l’Amérique profonde. Tous aussi laids les uns que les autres, femmes comprises. Et surtout abandonnés, livrés à leur triste sort. C’est sans doute ce que cherche à nous montrer Jedidiah Ayres en mettant en scène cette belle brochette d’abrutis finis. Mention spéciale pour le duo Terry/Cal qui, à lui seul, dépasse toutes les bornes de la bêtise. On assiste en spectateur au spectacle de l’Amérique profonde passée au crible, dans toute sa splendeur décrépie.
Les Affreux est un roman bien « vendu ». D’une part il est publié aux Arènes sous les bons auspices d’Aurélien Masson, et d’autre part il est vanté comme une fresque irrésistible, hilarante, relatant les déboires improbables d’une bande de minables. Le tableau était alléchant…
La lecture un peu moins à mon goût. Certes, il n’y a pas tromperie sur la marchandise, mais trois cent cinquante pages à suivre les navrantes péripéties des différents protagonistes confinent à l’écœurement. Le découpage en chapitres courts, très cinématographique, l’alternance des narrateurs, la tension dramatique qui monte, font qu’on tourne les pages, mais il m’a manqué un peu d’humanité dans ce monde de grosses brutes sans cervelle.
Jedidah Ayres n’est pas tendre avec ses personnages, il ne leur offre aucune porte de sortie et c’est sans doute en toute clairvoyance qu’il agit ainsi, mais par la même occasion, il fait de son lecteur un simple observateur de la décrépitude. Rien n’est drôle dans ce qui se joue sous ses yeux, rien n’est risible, tout est pitoyable.
Peut-être suis-je passé à côté de ce texte. Peut-être que l’enchaîner après la puissance de James Crumley ne lui a pas laissé la chance qu’il méritait. On ne peut pas gagner à tous les coups…
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Le premier texte de Jedidiah Ayres publié en France, Les Féroces est un court roman de moins de cent pages. Sans doute ce format percutant est-il plus adapté à son style. On en reparlera.
Quant à l’Amérique profonde, on peut très bien se pencher sur son cas à travers la lecture de l’œuvre de Harry Crews. C’est un spécialiste… Avec un peu plus d’humanité.
Les dix premières lignes...
Si Terry Hickerson avait appuyé sur la sonnette avant d’entrer chez lui, elle n’aurait pas retenti. Le carillon électrique appartenait à ces accessoires vétustes ou défectueux dont il s’entourait depuis toujours. Il n’hésitait pas à parier sur l’éternelle fonctionnalité des appareils afin de prévenir d’inutiles dépenses de temps et d’énergie ; gageure qu’il regrettait aux moments les plus cruciaux.
Une nouvelle ampoule dans la salle de bains lui aurait sans doute épargné de poser le pied sur une canette de bière entamée — une Milwaukee’s Best —, de trébucher et de s’ouvrir le crâne sur le rebord de la baignoire. S’occuper de la fuite d’eau au plafond avant qu’elle ne s’étende lui aurait sûrement évité d’être accueilli par une odeur de moisissure au retour d’une semaine de beuverie. S’il avait jeté un coup d’œil aux freins de sa voiture, qui émettaient un larsen digne d’un solo de Jimi Hendrix à la moindre sollicitation, il aurait sans doute un véhicule encore en état de marche, au lieu d’une épave dans le jardin…
Quatrième de couverture...
Dans une petite ville du Missouri, Jimmy Mondale, shérif corrompu, doit gérer son ex-femme, sa fille rebelle, ses adjoints et son complice : un dangereux trafiquant de drogue qui utilise un magasin de pêche pour dissimuler ses activités illicites. Ajoutez à cela un télévangéliste que deux voyous minables entreprennent de faire chanter, et vous obtenez une bande d’affreux qu’un drame local va entraîner dans une spirale infernale. Bastos, cadavres et fractures ouvertes au programme. À bon entendeur…
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...