Les Fils Perdus de Sylvie Derijke

Pascale Fonteneau

Gallimard / Série Noire - Mars 1995

Tags :  Roman noir Polar social Quidam France Années 1990 Populaire Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 26 novembre 2011

Alors qu'elle est seule chez elle — la maison des gardiens d'une ancienne filature désaffectée — Sylvie Derijke voit débarquer deux gamins qu'elle reconnaît assez vite comme les deux fils Walin-Delcreuze, enlevés quelques jours plus tôt.
Tandis qu'elle tente de les remettre aux autorités, et contre toute attente, les enfants lui font comprendre de façon radicale qu'elle doit se résigner à les héberger sans quoi ils la dénonceraient comme responsable de leur disparition.
Cerise sur le gâteau, Sylvie apprend bientôt par les infos télévisées que les parents Walin-Delcreuze viennent de mourir dans un accident d'avion…

Pascale Fonteneau pose une situation de départ bien déterminée, en quelques pages seulement — voire en quelques lignes, cf. les premières phrases du roman, ci-dessus — de manière un peu cocasse et avec un humour très distancié. Puis elle observe sous sa plume comment la pauvre Sylvie, qui n'avait rien demandé à personne et ne souhaitait rien de mieux que profiter de quelques jours de solitude, va se sortir de ce merdier dans lequel elle l'a fourrée.
Bien sûr l'auteur, un peu sadique, ne manquera pas, lorsque le besoin s'en fera sentir, de rajouter quelques bâtons dans les roues et autres obstacles divers et variés sur les chemins qu'empruntera Sylvie pour se sauver.

Sylvie Derijke est une brave fille du Nord qui occupe la maison qu'habitaient précédemment ses parents. Un endroit aujourd'hui laissé à l'abandon mais qui, à une autre époque, a connu l'agitation et la vie ouvrière d'une petite filature. Et puis la "crise" est passée par là. La désertification industrielle aidant, l'usine a clapoté, puis a définitivement fermée. Alors que ses parents étaient les gardiens qui empêchaient les intrus de s'introduire, Sylvie est celle qui retient les souvenirs à l'intérieur de cette enceinte.
Quant aux fils Walin-Delcreuze, ils sont de la race des patrons, des propriétaires, et malgré leur jeune âge, ils en ont déjà les stigmates. Pour autant, la famille Walin-Delcreuze est respectée dans la région, reconnue comme une de celles qui se sont battues jusqu'au bout pour conserver une activité économique locale. La confrontation de Sylvie avec les enfants apportera un nouvel éclairage sur cette réalité communément admise.

Car si dans la forme Les Fils Perdus de Sylvie Derijke est une comptine qui met en scène une "pauvre bougresse" mise à mal par une situation inhabituelle, sur le fond c'est aussi l'histoire du démantèlement d'une industrie ou comment il s'est organisé et dans quelles perspectives.

— Vous pourriez partir.
— Où et pour faire quoi ? Je te signale que vous avez pris les emplois ET l'argent. Ça ne laisse pas gros pour la marge de manœuvre.
— Vous devriez partir quand même. Parce qu'un jour nous nous réinstallerons ici.
— Et bien tu vois ? Je serai patiente, je vous attendrai…
— Quand nous reviendrons, le taux d'appauvrissement sera tel que ceux qui travailleront chez nous le feront à des salaires qui vous feraient sourire aujourd'hui. Les mêmes qu'on paye actuellement très loin d'ici.

Les Fils Perdus de Sylvie Derijke est un roman noir et social au goût de sucre d'orge. Léger, bourré d'humour, c'est une lecture réjouissante qui n'oublie pas d'être intelligente et qui, sous ses faux airs de bluette, cache une belle réflexion sur le monde prolétarien et ses alentours.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

À chaque fois que je croise la plume de Pascale Fonteneau c'est un enchantement. Je devrais revenir plus souvent…

Le début...

Les dix premières lignes...

Premier couplet
Même moi, et pourtant je en connais rien aux enfants, je sais qu'ils ne devraient pas être dans mon couloir. Les enfants ne se promènent jamais seuls dans le couloir des maisons isolées. Pourtant ma maison est isolée, et ils sont dans mon couloir. Deux enfants.
Alors, je ferme la porte et je la rouvre, mais ils sont toujours là.
Bon (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Évidemment, si j'avais su qu'en entrant dans mon couloir, ils allaient retourner ma maison, bouleverser mon âme, compromettre le déséquilibre social et pire : m'obliger à supprimer la télé, alors évidemment, je me serais dit « Ma petite Sylvie, fais la morte ou l'aveugle », mais là, je ne me suis pas méfiée, pensez, c'étaient des gosses. Des beaux. Avec des jolies raies dans leurs jolis cheveux. Et chez nous, dans le Nord, on ne se méfie jamais des jolis enfants. Enfin, heureusement, il me reste le chocolat, et la culture prolétarienne que m'a léguée ma maman.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Pascale Fonteneau










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