Paris la Nuit

Jérémy Guez

La Tengo Editions - Février 2011

Tags :  Roman noir Polar urbain Truand Quidam Paris Années 2010 Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 29 octobre 2011

Recommandé Abraham, à la limite, pourrait travailler, mais il faudrait pour ça qu'il cherche un boulot ; pire, qu'il en trouve un… Et puis pour subvenir à ses besoins il deale un peu : du shit, de la coke, de l'héro parfois ; ce qui lui laisse suffisamment de temps libre pour traîner avec son alter ego Goran — comme un frère — ou encore ses potes Nathan et Trésor, en arpentant les trottoir de Paris, la nuit… Pourquoi s'embêterait-il avec un boulot, avec un patron ?

Abraham est un parisien du quart nord-est de la capitale, autant dire pas des quartiers les plus aisés. Pour autant, il n'est pas dans la misère ; c'est juste là qu'il a grandi.

Je regarde les gamins jouer au foot dans la rue, les mères qui crient par les fenêtres, les galériens de tous âges qui squattent le bitume. Je suis né ici, toute ma vie se limite à cet endroit. Longtemps j'ai cru que l'existence c'était ça, ce bordel incessant. Ce n'est qu'en vieillissant, que je me suis rendu compte que le bruit n'est inhérent qu'à la pauvreté. Cette fureur qui s'autoalimente est crées par le manque d'éducation, la violence et l'absence totale d'intimité. Là d'où je viens, on vit tous dans la même pièce, dans des appartements séparés par de cloisons épaisses comme du papier à cigarette. Dans ma rue, le repos est interdit, et on grandit tous de la même façon.

Abraham ne sait pas bien ce qu'il veut. Tout juste sent-il en lui une sorte de fureur qui peine à s'exprimer. Sa vie est plutôt facile, loin des contraintes, même s'il vit seul avec son père depuis l'âge de cinq ans, partageant une tendresse muette qui frise avec l'indifférence — « Il a toujours eu l'air effrayé par ma présence, comme si le fait de se contempler en miniature faisait revenir ses échecs au galop. » — même si sa relation avec Julia, sa copine étudiante, plutôt aisée, plutôt rive gauche, ne le satisfait pas pleinement.
Jérémy Guez dresse le portrait d'un homme jeune à l'avenir incertain, fidèle à son époque, fidèle à son mode de vie. Abraham est croqué, cerné par des petites touches d'une exceptionnelle efficacité. Lui, son environnement, sa vie, apparaissent sous la plume aiguisée de son géniteur qui pratique avec bonheur l'économie de mots. Pas besoin de longs discours ; il suffit de toucher juste.

Cette histoire commence dans un bar, parce que là on est à l'abri, loin de chez soi. Là aussi où au final, se prennent tous les risques.
Abraham et ses potes ont repéré du côté de Belleville une arrière-salle qui pratique le jeu clandestin et où l'on mise gros. L'endroit ne paye pas de mine et leur vient très vite l'idée d'y braquer la recette. Les quatre larrons se sentent forts dès lors qu'ils sont ensembles, mais chacun a la peur au ventre en pensant à ce qu'ils mettent en place, à leur choix d'y aller armés, à leur manque d'expérience.
Et bien sûr l'affaire tourne mal… Ils se retrouvent avec les pontes du quartier aux trousses — des mauvais — après que leur chauffeur d'occasion ait trahi sous la torture. Il est temps de fuir.

C'est joli Paris, la nuit. C'est plein de lumières qui brillent, tout paraît plus facile. N'empêche que lorsque Abraham découvre l'envers de ce décor, c'est l'enfer qu'il visite, regrettant très vite sa petite vie minable et quasiment prêt à se laisser glisser dans le moule. On n'attrape pas la queue d'une spirale de délinquance sans y laisser des plumes…

En un peu plus de cent pages, Jérémy Guez nous offre un récit serré, abrupt, sous la forme d'une chronique qui ne laisse aucune place à la sensiblerie. L'écriture est forte, le style fluide, le portrait qu'il dresse, s'il n'est pas une critique sociale, se veut néanmoins réaliste, donnant au final un beau roman noir qui, lorsque l'on sait qu'il est le premier volet d'un triptyque, augure de prochaines lectures et de retrouvailles avec ce nouvel auteur, à suivre.


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Quelques pistes à explorer, ou pas...

Si l'on prend Paris la Nuit comme un portait d'une certaine jeunesse, on peut le rapprocher d'un autre regard, féminin celui-là, porté sur le même sujet par Sophie Di Ricci dans Moi comme les Chiens.
Autre point commun : ce sont deux premiers romans, deux réussites qui prouvent, s'il en était besoin, la vitalité du roman noir francophone.

Le début...

Les dix premières lignes...

Il se met à pleuvoir de plus en plus violemment. Je m'arrête sous un porche, à deux pas de l'immeuble où j'ai grandi, non pas pour m'abriter, mais pour retrouver mon souffle ainsi que mes esprits. La sueur, mêlée à l'eau, ruisselle sur mon visage creusé par la peur, si omniprésente qu'elle redessine mes traits en un rictus absurde, un masque qui semble fixé par deux épines enracinées dans ma nuque et dont les pointes me chatouillent la gorge. Je dois me calmer, mais je sais d'avance que je n'y arriverai pas (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

« — Je veux qu'on braque les types du bar. Je suis sûr que c'est un coup facile à organiser et qu on peut récolter un maximum d'oseille sans prendre trop de risques. Ces types, ils ne vont pas porter plainte, tu comprends, et puis cet argent c'est pas grand chose pour eux. Il suffira de partir quelques semaines et puis tout va se tasser et on reviendra comme si de rien n'était
— Je sais déjà tout ça, Abe… je ne sais juste pas si on doit le faire.
— T'es con ou quoi, cet argent nous tend les bras… fais ce que tu veux, moi je vais en parler aux autres.
— Je ne te parle pas d'argent là, je veux juste savoir si tu es vraiment prêt à rentrer dans un bar cagoulé avec une arme à la main. Tu te souviens de mon frère, du bonhomme que c'était, je l'ai vu vomir avant de monter ses coups.
— Bien sûr que j'ai peur…
— Ce n'est pas seulement une question de peur… si on réussit à obtenir de l'argent avec des armes, nos vies vont changer.
— Mais non, il n'y aura pas de changements, on ne sera même pas recherchés par la police. On entre et on sort, ça ne va pas plus loin que ça.
— Abraham, tu ne le sais pas encore, mais si tu sors d'ici indemne, tu banderas tellement que tu recommenceras. »


Abraham est un petit dealer du quartier de la Goutte d'Or. Son quotidien : embrouilles, défonce et nuits blanches. Un jour, il décide de tenter un gros coup avec sa bande de potes en braquant une salle de jeux illégale.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Jérémy Guez










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