Country Blues

Un avis personnel...

Publié le : 13 mars 2011

Dans une ferme isolée du bourg, au fin fond de la Bretagne dans la région des monts d'Arrée, vit la famille Argol. La mère, atteinte de la maladie d'Alzheimer est sous la surveillance alternée de sa fille Cécile, boxeuse occasionnelle, amatrice d'armes et homosexuelle, et des ses fils : Dany, le play-boy du village et des alentours ; Jean-Bruno, le plus renfermé ; Lucas, le crétin ventriloque qui partage son existence avec sa marionnette Olive.
Là débarque bientôt une jeune routarde, Flora, que convoitent à la fois Cécile et Dany, pour des raisons qui se rejoignent et s'opposent.

Petit à petit, ce qui se dessine sous nos yeux et sous la plume de Claude Bathany au fur et à mesure qu'on passe en revue les différents protagonistes, c'est une sorte de microcosme rural dans lequel la vie est rude et pas toujours drôle. La ferme Argol, c'est un peu comme un petit morceau de bayou à la française. Ceci étant, au village d'à côté, le garage Moulhec n'est pas tellement mieux loti…
Et puis apparaît un personnage énigmatique, sorti du passé — un musicien — mais qui a laissé des traces dans la région.

Par une construction quasiment mathématique, parfaitement maîtrisée et ordonnée, Claude Bathany lève un à un les voiles qui révèlent peu à peu le fond de son intrigue. Pour ça, il donne alternativement dans chaque partie du roman la parole à chacun des membres de la fratrie Argol qui reprend, à sa manière et à la première personne, le fil du récit. Voilà pour le présent. Pour le passé, le procédé est un peu similaire et ce sont cette fois les membres de la famille Moulhec qui prennent le récit à leur compte, chaque voix se confrontant de manière plus linéaire à celles des Argol qui se croisent.
Car c'est bien du passé que dépend le présent… Une histoire qui remonte à vingt ans en arrière. Des disparitions de fillettes dans la région, un musicien de la ville venu se ressourcer à la campagne avec femme et enfants.

Difficile de vous en dire plus sans dévoiler tout ce qui fait la saveur de ce roman tout en finesse qui se présente comme une lente descente/remontée aux enfers, parfaitement orchestrée.
L'écriture de Claude Bathany, qui pratique un humour noir, féroce et dévastateur, est sans emphase, comme la voix d'un conteur, neutre, presque froide par son absence de compassion pour l'un ou l'autre des personnages mis en scène. Elle révèle une histoire particulièrement sombre qui explore, à sa manière, la campagne bretonne profonde et les cadavres que chaque famille, dit-on, cache quelque part.
Une vraie réussite.

Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Last Exit to Brest, du même auteur, sans aucun doute.
Et pourquoi pas, pour le côté féroce et rural, le Typhon-Gazoline de Jean Vautrin.