Seuil Thrillers - Février 2010 - Traduction (anglais) : Vincent Delezoide
Tags : Roman noir Polar social Psychologie Quidam Japon Années 2000 Moins de 250 pages
Publié le : 02 mai 2010
Toshiko Yamanaka est à Tokyo une jeune fille en dernière année de lycée. Alors qu’elle est seule chez elle, elle entend chez ses voisins un bruit de chute et de verre brisé, pensant aussitôt à un cambriolage. Tracassée par cet incident, mais devant se rendre à ses cours, Toshiko finit par sortir et croise alors le fils des voisins — celui qu’elle a surnommé « le lombric » — sortir de chez lui. Pas de cambriolage donc.
Lorsqu’elle revient chez elle, Toshiko apprend qu’on a retrouvé sa voisine assassinée. À la police qui l’interroge, elle décide de ne pas dire qu’elle a vu sortir le fils de la maison au moment présumé de la mort de sa mère…
Toshiko est la première à prendre la parole à son compte dans ce récit choral qui met en scène quatre adolescentes, quatre inséparables amies de collège confrontées à l’un de leur congénère, « le lombric », qui vient d’assassiner sa propre mère.
À travers ces cinq regards croisés, c’est le portrait d’un certain Japon que dresse Natsuo Kirino, un portrait qui fait tout simplement froid dans le dos.
Selon l’auteur, les filles japonaises font des études, soit, mais ce n’est que pour mieux les oublier dès qu’elles auront trouvé un mari ; au moins est-ce là la destinée qu'on leur propose. Sans doute est-ce ce qui sous-tend son choix de personnages exclusivement féminins (hormis le lombric). On peut imaginer les jeunes adolescents japonais perdus dans un monde peuplé de mangas, de jeux vidéo tous plus violents les uns que les autres, et d’électronique high-tech dernier cri, Natsuo Kirino vient rappeler ici que le sors des filles n’est pas à envier.
Filles ou garçons, tous sont perturbés, livrés à eux-mêmes, subissant d’une part de leurs parents une énorme pression pour la réussite de leurs études, mais aussi la perverse insistance "marchande" de la société japonaise qui ne reconnaît en eux que des consommateurs potentiels.
Même une mère sympa et un père comme lui ne peuvent vraiment pas ressentir l'agression mercantile que leur enfant subit depuis le berceau, la peur permanente qu'elle a d'être dévorée vive par les abrutis qui l'entourent. Ils pigent tout simplement pas.
Toshiko et ses amies Terauchi, Yuzan et Kirazin ne sont pas malheureuses, elles font partie de cette classe moyenne japonaise. À travers leurs différences, elles en sont les représentantes, avec ce point commun d'être oubliées, niées en tant qu'individu. Rejointes sur ce point par « le lombric ».
Natsuo Kirino nous propose une approche de la société japonaise à travers le prisme de ses adolescentes, mais au-delà des différents regards qu'elle propose, on voit le champ s'élargir sur un monde qui arrive au bout de sa logique, une machine enrayée qui, bien qu'apercevant le mur qui se présente à elle est incapable de s'arrêter.
Natsuo Kirino montre aussi ce repliement sur soi, cette peur du "qu'en dira-t-on", comme ce père qui, trop absorbé par son travail, ne sait même pas que ses voisins ont un fils ; comme les parents de ces mêmes voisins qui offrent des corbeilles de friandises pour s'excuser du dérangement occasionné par la mort de leur fille. Et là, au-dessus, partout, la sacro-sainte culture du résultat… Pour quel résultat ?
Loin du Japon à la culture ancestrale, loin du flamboyant modèle de réussite économique (qui a aujourd'hui fait long feu et montré, pour certains, ses limites), la société montrée ici par le biais d'une approche psychologique fouillée apparaît en phase de décomposition avancée. Sans doute est-ce un peu provocateur. Mais c'est aussi tellement lucide…
Seul bémol à apporter, mais qui tient plus à l'édition : le roman est traduit de l'anglais… et c'est donc à une traduction de traduction auquel on a droit. Difficile, dans ce cas, de parler du style de l'auteur, non ?…
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Depuis qu'elle s'est lancée dans le polar, las analyses psychologiques de ses contemporains par Natsuo Kirino se sont fait remarquer. Sans aucun doute un auteur à explorer.
Les dix premières lignes...
Sous la pointe du crayon mes sourcils prennent forme quand soudain la sirène d’alerte au smog retentit. C’est arrivé tous les jours depuis le début des grandes vacances, donc ce n’est pas étonnant.
« Votre attention, s’il vous plaît, traîne la voix de femme relayée par un haut-parleur. Un bulletin d’alerte à la pollution vient d’être émis », et la sirène continue de s’éloigner en grondant comme un vieux dinosaure débonnaire.
La plupart de ces bulletins d’alerte sont émis le matin, en général pile à l’heure où je m’apprête à partie pour mes cours intensifs. Personne ne réagit vraiment en entendant la sirène. Tout le monde se dit plutôt : « Oh ! encore ! » Ce que j’aimerais savoir, moi, c’est où sont cachés les haut-parleurs. Pour moi, c’est ce qu’il y a de plus flippant et de plus bizarre dans le smog (…)
Quatrième de couverture...
Banlieue de Tokyo. Quatre jeunes écolières, Toshiko, la sérieuse, Terauchi, la douée, Yuzan, la paumée, et Kirazin, la fêtarde, passent un mois d’août lourd et studieux dans une école de bachotage lorsque, un matin, Toshiko entend du bruit dans la maison d’à-côté. Intriguée, elle demande au fils de la voisine si tout va bien et celui-ci, surnommé « le lombric » (il est mal foutu et ne réussit pas en classe), lui répond que oui.
Quelques heures plus tard, Toshiko découvre qu’on lui a volé son vélo. Elle n’en dit rien et se tait sur ses soupçons, — car elle vient d’apprendre que « le lombric » a disparu et que sa mère a été assassinée à coups de batte de base-ball. Aussitôt mises dans le sacret par « le lombric » en personne, les quatre jeunes filles vont s’acoquiner pour aider le jeune assassin que, pour des raisons propres à chacune, elle considèrent comme un antihéros de la société japonaise. Violent, pervers, terrifiant.
Sa trombine... et sa bio en lien...
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