Les Morts ont tous la même Peau

Boris Vian

Editions du Scorpion - Octobre 1947

Tags :  Roman noir Polar social Discrimination Quidam New York Années 1940 Littéraire Populaire Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 13 janvier 2010

Recommandé Dan est videur dans un bar dancing new-yorkais. Avec un quart de sang noir dans les veines, il a longtemps craint les Blancs, mais, compte tenu de son aspect physique — on le confondrait presque avec un Blanc — et d'une certaine forme d'assimilation, la peur a finit par disparaître.

J'étais blanc. J'avais épousé une femme blanche. J'avais un gosse blanc. Et le père de ma mère avait travaillé comme docker à Saint-Louis. Un docker aussi foncé qu'on pouvait le rêver. Toute ma vie j'avais haï les Blancs. Je m'étais caché, je m'étais sauvé d'eux. Je leur ressemblais, mais ils me faisaient peur à ce moment-là. Et maintenant je ne savais plus ce que j'éprouvais autrefois, car je ne considérais plus le monde avec mes yeux de Noir. Mon évolution s'était faite lentement à mon insu, et, ce soir-là, je me retrouvais transformé, changé, assimilé.

Comme par vengeance, Dan s'est choisi un métier dans lequel on le paye pour cogner sur ces Blancs, un métier qui lui permet également de croiser leurs femmes, de les soumettre. Voilà cinq ans que dure ce petit jeu, et en cette soirée anniversaire, c'est une sacrée surprise qui attend Dan. Son frère Richard, dont il n'a pas eu de nouvelles depuis une éternité, à la peau aussi noire que le sienne est claire, débarque à l'improviste sur son lieu de travail quémandant un peu d'aide. Devant les réticences de Dan, Richard menace de révéler sa véritable identité. Constatant qu'il tient à ses "privilèges" de Blanc et à son statut, à sa femme, à son fils, Dan tente d'arranger le coup en douce avec son frère.
Il le rencontre au fin fond du quartier Noir, en compagnie de deux de ses amies, Ann et Sally, dont il finit par goûter les charmes. Et c'est une révélation…
Il (re)découvre une sexualité sauvage qu'il n'a jamais goûté sur le corps de femmes blanches. Dan, plus que troublé par sa rencontre, tente de se défendre de ses pulsions, mais bientôt il se sent comme impuissant face à sa propre et femme et tente de reprendre contact avec Richard…

Pour son second roman signé sous le pseudonyme de Vernon Sullivan, Boris Vian reprend le thème du racisme déjà abordé dans J'Irai Cracher sur vos Tombes. Il le décline cependant de manière différente et si le récit donne encore lieu à quelques scènes à l"érotisme torride, c'est dans l'approche du personnage central que ce fait la différence.
Dans J'Irai Cracher sur vos Tombes, Lee Anderson n'abandonnait jamais son statut d'homme noir, le revendiquant jusqu'à l'extrême. Ici, Dan ne revendique rien. Conscient de son passé "nègre", il ne vise cependant plus qu'à s'assimiler parmi les Blancs pour en épouser la manière de vivre. Il faudra ce rappel de chair, de sexe et de sueur, pour bouleverser sa raison.
Dan ne sait plus qui il est. Il n'a rien changé dans sa manière d'être, il est toujours le même, mais la simple révélation autour de lui de ses origines noires remet en cause sa position dans la société. D'intégré il devient paria. De bon père de famille, de bon mari, il devient menteur.
Dès lors, la pente qui le mène à sa perte devient extrêmement glissante, et les conséquences seront les mêmes que pour Lee Anderson.

Publié fin 1947 alors que beaucoup se doutent déjà que Vernon Sullivan et Boris Vian ne font qu'un même si ce dernier ne l'a toujours pas reconnu officiellement, Les Morts ont tous la même Peau est indissociable du premier roman de la série, J'Irai Cracher sur vos Tombes. Si le premier était construit comme une lente et inexorable descente aux enfers, le récit se déroule ici plus en "tension" permanente, avec un homme qui se retrouve le jouet des perversités de la société américaine. S'il n'a pas la puissance de son prédécesseur, il constitue cependant un excellent roman noir qui complète et enrichit le portrait entamé plus tôt.

Le roman est complété d'une courte nouvelle extrêmement noire, Les Chiens, le Désir et la Mort, ainsi que d'une postface adressée aux critiques littéraires qui valent toutes deux le coup d'œil.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Si ça n'est pas déjà fait, il vous faut absolument vous plonger dans le premier roman signé Vernon Sullivan, J'Irai Cracher sur vos Tombes.

Le début...

Les dix premières lignes...

Il n'y avait pas beaucoup de clients, ce soir, et l'orchestre jouait mou, comme toujours dans ce cas-là. Moi, ça m'était égal. Moins il en venait, mieux ça valait. Avoir tous les soirs une demi-douzaine de types à éjecter plus ou moins proprement, à la longue, ça finissait par devenir fatigant. Au début, j'aimais ça (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Videur dans une boîte de nuit, Dan ne vit que pour Sheila, sa femme, et l'enfant qu'il a eu avec elle. Un enfant que la société acceptera parce que sa peau est blanche. Dan, lui, est noir, d'origine, sinon de peau… Toute son existence repose sur ce secret.
L'irruption de Richard, son frère, qui menace de tout révéler, en même temps que sa subite attirance pour une prostituée noire, vont bouleverser la vie de Dan. Lui qui, non sans remords, a tant voulu être un Blanc, ne serait-il au fond de lui-même qu'un "nègre" ?
Boris Vian — alias Vernon Sullivan — nous donne ici, à la manière de Chandler ou Hadley Chase, bien plus qu'une dénonciation du racisme. Ces pages qui firent scandale, où la violence et l'érotisme se donnent libre cours, nous conduisent au plus profond de la folie d'un être qui ne se reconnaît plus, que la pression sociale a irrémédiablement dissocié de lui-même. Une sorte d'explosion intérieure qui le poussera au meurtre…


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Boris Vian










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J'Irai Cracher sur vos Tombes Et on Tuera tous les Affreux Elles se Rendent pas Compte