Rasta Gang (Blood Posse)

Phillip Baker

Moisson Rouge - Février 2009 - Traduction (anglais) : Thierry Marignac

Tags :  Roman noir Polar social Polar urbain Crime organisé Discrimination Mystique Truand New York Années 1970 Plus de 400 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 25 février 2009

Dans le quartier de New Lots, au sud de New York, du côté de Brooklyn, vit Danny Palmer, adolescent antillais occupant avec sa mère un modeste appartement. Son père, quant à lui, est retourné en Jamaïque pour trouver un boulot.
Danny traîne dans les rues en compagnie de quelques amis dont Paul, haïtien, ou Nathan, afro-américain. Ils sont à l'affût de quelques conneries à faire dans un quartier qui, au début des années soixante-dix, n'est pas des plus faciles :

La ruée du week-end avait commencé. Les voleurs et les spécialistes de l'agression à main armée guettaient les liasses bien fournies de la paie du vendredi soir. Les voyageurs qui rentraient du boulot se déplaçaient à une vitesse effarante, dans leur hâte de se mettre à l'abri de la rue. Le jeu des chaises musicales venait de démarrer, et celui qui manquerait le dernier bus ou le dernier train le paierait cher.

Dans ce contexte, les antillais font figure de dernière roue du carrosse, méprisés par les afro-américains "pure souche" qui les traitent de mangeurs de bananes à peine débarqués du cargo. La violence est reine et guette au coin de chaque pâté de maisons, quelles que soient les générations ou les espoirs :

— Eh, Danny, tu crois qu'il s finiront un jour par nous accepter ?
— Bien sûr. Dans quelques semaines, quand on ira au collège, tu verras la différence. Les grands sont plus mûrs. La plupart ne sauront même pas qu'on vient des Antilles. On a déjà le même accent que les Yankees. Tout ce qu'on a à faire, c'est serrer les dents, penser comme eux, et on sera dans la course.

C'est sans compter sur Super Dice, caïd du quartier, qui compte former sa propre bande (comme c'est de plus en plus le cas dans de nombreux quartiers de New York) et affirmer clairement son pouvoir local. Aidé par Nathan, il attire Danny et Paul à la soirée inaugurale, leur faisant miroiter la présence de nombreuses filles. Danny et Paul sont piégés, pris comme boucs émissaires. Paul est "sacrifié" sur l'autel de la bêtise, symbole du rejet de l'étranger dans le quartier. Danny en réchappe miraculeusement.
Malheureusement pour lui, dès le lendemain matin, ce sont deux flics qui viennent le cueillir chez sa mère. Il est accusé par Nathan d'avoir assassiné Paul…
Dès lors, c'est l'engrenage infernal…

Sur quelques années, Phillip Baker, la caméra posée sur l'épaule, nous fait suivre la trajectoire de Danny Palmer, cet adolescent qui finira chef de bande à l'aube des années soixante-dix dans une sordide banlieue de New York.
Phillip Baker écrit son roman comme une sorte de documentaire en prise directe sur la réalité, sans fioritures ni mise en scène apparente — c'est une des forces de son style. Nous voilà plongés au cœur d'un enfer, d'un engrenage infernal.
Le sort des Antillais n'est guère enviable à cette époque. Ils ont déferlé sur l'Amérique par vagues, mais son rejetés par les Afro-américains. La violence est partout.
Danny, qui vit une sorte de cavale, va rencontrer un de ses compatriotes, respectés des Yankees parce que star locale du football, en apparence intégré, mais qui va lui faire connaître la "secte" des Rastafariens et ses préceptes, son code d'honneur :

Il a continué à parler de l'âpre misère qu'il avait connue dans les ghettos de Kingston, Jamaïque : la faim qui rageait dans le ventre des hommes, dressant les frères les uns contre les autres, le père contre le fils, les conditions de vie sordides des déshérités, les politiciens qui offraient des armes plutôt que de la nourriture, l'argent du sang qu'ils distribuaient ensuite en échange des meurtres commis pour assurer leurs sièges électoraux. Il a expliqué qu'encore enfant il brûlait de devenir un homme pour pouvoir tirer. Tuer et être craint. Respecté ! Il a raconté comment les hommes du ghetto lui avaient appris à être dur, parce que la dureté était une issue provisoire à la misère.

Même si l'immersion dans la guerre des bandes est totale, Phillip Baker n'oublie pas de la resituer dans un contexte politique, social. Les Rastas ne débarquent pas de nulle part… et ne sont pas seulement synonymes de reggae indolent, même si on croisera ici la figure de Bob Marley.
Dans cette guerre, il sera aussi question, au long des quelques six cents pages que compte le roman, du trafic de drogue, alors que l'héroïne et son marché déferlent sur les Etats-Unis, et du rapport particulier des Rastafariens avec ces produits illicites — eux ne touchant jamais aux drogues dures, se contentant de vénérer la ganja.

On se dit, à la lecture, que l'auteur en fait parfois un peu trop dans l'étalage de violence, et que tout le monde à une furieuse tendance à défourailler pour un oui ou pour un non, parfois pour un simple regard, mais le témoignage est là, intense, qui fait aussi froid dans le dos.
Danny Palmer est un personnage complexe qui porte sur ses épaules quelques pans croisés de l'histoire des rapports entre les États-Unis et la Jamaïque. Édifiant.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

Désolé, pas vraiment d'idée…

Le début...

Les dix premières lignes...

Les sirènes glapissent et braillent, hurlent comme si la Troisième Guerre mondiale venait de se déclencher. Nous sommes habitués à cette plainte incessante. Mais aujourd'hui, le cri des loups du gouvernement de teinte d'une urgence supplémentaire. L'écho mugissant des sirènes ne retentit pas dans la même direction que d'habitude. Nous avons d'abord instinctivement tendu l'oreille vers l'antichambre de l'Enfer — East New York et Brownsville, où les Noirs s'entr'égorgent depuis toujours. Des hélicoptères avec des chiffres noirs peints sur le ventre planent au-dessus de nous. Ils ressemblent à des insectes essayant frénétiquement d'éviter la tapette tue-mouche. Ils tournoient au-dessus du quartier de Flatbush, cisaillant l'air et ajoutant à la confusion générale (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

« Pénétrer dans cette pièce, c’était comme voyager à rebours dans le temps. Retourner à la misère sordide des logements pouilleux où les Rastas faisaient tourner un shilom comme une offrande sous les étoiles, emplissant leurs cerveaux d’assez de drogue pour embarquer vers une nuit de violence, voler, violer, assassiner. Jerome m’avait entraîné vers une mort assurée, j’étais aux mains des hommes les plus recherchés de Jamaïque. Les dreadlocks jaillissaient de leurs têtes comme des branches d’arbres, et des cordes de poils pendaient à leurs mentons. Ils ressemblaient à des lions au repos sous un bosquet. Ils avaient réussi à échapper aux gibets de Spanish Town, et à la mort violente qu’ils avaient l’habitude d’infliger aux innocents. »

Brooklyn, 1970. Danny Palmer est un adolescent fraîchement débarqué de Jamaïque. En butte au racisme et à la violence des gangs de Noirs américains qui se livrent aux guerres de territoires pour le contrôle du trafic de drogue, il choisit de rejoindre la secte des Rastafariens qui fera de lui un véritable guerrier de Jah.
Entre le conte initiatique et le récit hyperréaliste de la vie du ghetto, ce roman s'impose comme le Scarface rasta.


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Phillip Baker










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