La Fiancée de Personne

Ava Weissmann

Le Tripode - Avril 2024

Tags :  Comédie Polamour Serial Killer Flic Criminel Paris Années 2020 Littéraire Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 04 février 2025

Recommandé C’est en suivant une chaude recommandation de Fondu au Noir, des amis de vingt ans qui ont fait de ce roman un de leur « best of » 2024, que je me suis promis de lire La Fiancée de Personne.

Tout commence avec une femme qui s’attaque à la partie la plus intime de ce qui fait un homme, son essence : sa bite. Elle coupe, sectionne, arrache, c’est sa façon de faire en se fiant à son baromètre qui classifie les mâles selon l’échelle du connard. Les mieux lotis finissant à l’abattoir.

Plus loin, un autre homme, Mat, est rattrapé pas ses excès. La machine ne suit plus ; le cœur pour être précis. Il va falloir lui trouver un donneur.
Accessoirement, Mathieu est flic. Flic et tombeur, accompagné d’un chien fidèle et de quelques collègues machos bas du front, Pipo et Bimbo, qui jalousent sa capacité hors norme à séduire des canons puis à les délaisser, sans doute par ennui. Ce sont eux qui enquêtent sur ces meurtres en série dont on a déjà qualifié l’auteur présumé de « Bitovore ». Un pédé, à n’en pas douter…

Ava Weissmann se joue des clichés avec délectation. Ici, la violence est aussi féminine, répondant il est vrai à la connerie masculine, au machisme le plus éhonté et au sentiment de domination qui habitent certains énergumènes de la gent masculine, toujours malheureusement trop nombreux.
Quant au tombeur de ces dames, qui se jettent pourtant à ses pieds pour subir ses outrages, il n’a plus l’énergie ni la force vitale pour répondre aux avances.
L’inversion des « valeurs » est omniprésente.

Nous sommes dans la tête de cette femme sans nom, qui ne s’exprime qu’à la seconde personne du singulier, instaurant ainsi à la fois distance et promiscuité. Elle est toutes les femmes, même si honnêtement c’est un peu le bordel dans sa tête ; un bordel à tendance psychopathe. Beaucoup d’antagonismes, de sexe (on est quand même parfois pas loin du porno), et une obsession hilarante du classement des vêtements par couleur.
Il faut dire qu’elle navigue dans un environnement passablement déjanté. Entre son voisin schizophrène et ses scènes de ménage, son ou ses patrons qui l’exploitent comme n’importe quelle représentante des femmes (moins payée, moins reconnue), sans compter les « connards » qui ne cessent de croiser sa route.

Du côté de Mat et de son cœur cassé, son infinie tristesse et sa lassitude sont mises en miroir par la joie exacerbée de son chien (là encore irrésistible). Quant aux mâles dominants, ils prennent le visage de Pipo et Bimbo, ses deux acolytes collègues de travail qui n’ont pas les stéréotypes dans leurs poches. Si Johnny le chien n’a qu’un seul neurone, celui de la joie, pour eux c’est celui de la connerie. 10/10 sur l’échelle précitée…

La Fiancée de Personne est un petit bijou, une réjouissance inattendue, intelligente, surprenante, pleine d’humour et de trash, portée par une plume maîtrisée, finement ciselée et particulièrement originale.
Un roman inclassable et indispensable.
Merci les Fondus !

Et juste pour le plaisir, un petit extrait :

C’est toujours pareil. Tu t’enfermes dans le noir. Porte fermée à clé. Au loquet en l’espèce. Volets fermés. Rideaux tirés. Allongée sur ton lit, tu tapes, fébrile, sur ton clavier les mots qui te mèneront à l’orgasme. Tu respires lentement pour temporiser ton excitation. Et tu parviens à taper les mots sur le clavier : points de croix / ça va de soi. Ta préférée. De loin. (…) L’aiguille pénètre l’orifice qui se dessine à intervalle régulier dans l’étoffe. Il y a des cavités partout sur le tissu. Qui attendent l’aiguille. Chacun son tour pour la pénétration. Patience. Tu te caresses le ventre. Les seins. L’aiguille s’insère dans un deuxième trou. Tiens bien le fil tu lui dis en pensée. Lâche pas le morceau. Après être entrée par le dessus du tissu, voilà l’aiguille qui réapparaît par en dessous. Elle s’insère partout. Dans tous les sens. Étoffe soumise. Consentante. Obéissante. Et silencieuse. Tu tiens bien ton clitoris. Le fil se croise. Dessus. Dessous. Ça se mélange. Oui. Tiens bien le fil. Serre. Serre-le bien. La tête de l’aiguille pénètre sans s’arrêter. Il y a une force en elle. Elle laboure le lin. Rien ne l’arrête. Oui. Continue. Continue. Encore. Laboure bien ce tissu. Le chas de l’aiguille est lui-même pénétré d’un fil. Parce que oui, le trou de l’aiguille c’est un chas. Pas une chatte. Non : un chas. L’enfileur enfilé. Elle pénètre avec la tête, et entraîne avec elle le fil qu’elle a dans son propre chas. La réussite de l’opération tient même dans la présence de ce fil dans le chas. Pénétrant pénétré. Ne pars surtout pas. Accroche-toi. Insère-toi partout. Entre. Viens. Oui. Viens. Oui. Reste dure. Passe devant. Puis derrière. Tous ces orifices qui attendent ta besogne. Entre. Oui. Viens. Vas-y. Besogne ce tissu. Oui. Et tu jouis. Une fois. Deux fois. Trois fois. Et cætera.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

L’éditeur fait référence dans sa présentation à Baise-Moi, de Virginie Despentes, ou à La Fiancée du Pirate, de Nelly Kaplan, l’humour en plus…
Côté polar, le côté trash/déjanté aurait tendance à me faire penser à Sébastien Gendron (s’il ne l’a pas déjà lu, il devrait se régaler).

Le début...

Les dix premières lignes...

Tu ne sais pas très bien quand ça a commencé. Il faudrait te souvenir de la première fois où tu t’es dit : lui, je vais le fumer. Souvent. Tu te le dis souvent. À chaque fois peut-être même. Ça fait beaucoup.
Bon allez : la première fois, c’était quand ? Impossible à dire. C’est sûrement venu petit à petit. Non. Il y a bien une première fois : un avant et un après. Tu as l’image du liquide chaud sur la peau. Souvent c’est dans l’obscurité : le rouge vire au noir. Pas simple à voir. Le sang coule le long du corps. Pas toujours la même partie du corps. Tu mélanges tout. Qu’est-ce que ça peut foutre ?


La fin...

Quatrième de couverture...

Elle serait presque une femme ordinaire. Mais, comment dire, il y a chez elle cette fâcheuse habitude d’évaluer de 1 à 10, sur une « échelle du connard », chaque homme qu’elle rencontre. Et de mettre à mort ceux qui dépassent les 8. Le mode opératoire ? Un peu de séduction, puis émasculation d’un coup de mâchoires, les détails de la mise à mort finale peuvent peu ou prou varier. Une psychopathe donc, une vraie, qui voit sa routine et son cœur jusque-là bien gardé assaillis de toutes parts. Outre les irruptions intempestives de son voisin schizophrène en pleine crise conjugale et la mauvaise foi crasse de Robert qui joue au patron pervers, un flic ténébreux est, évidemment, sur les traces de celle que des médias en manque d’imagination ont baptisé la Bitovore…


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Ava Weissmann










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