Rivages / Noir - Février 2018
Tags : Roman noir Polar social Corruption Quidam France Années 2010 Plus de 400 pages
Publié le : 19 janvier 2025
Richard Deurthe, ancien militaire, est en train d’incendier un immeuble censé être vide en balançant des rats enflammés dans ses sous-sols.
Brahim habite là, il y cuve son mauvais alcool, et manque d’y laisser sa peau.
Élise habite une ville ouvrière qui a connu le capitalisme humaniste du début du vingtième siècle, avec ses quartiers ouvriers conçus autour de l’usine bienfaitrice. Mais les années ont passé, laissant place au libéralisme et au saccage de l’industrie française par les politiques. Aujourd’hui, plus d’usine, à peine des vestiges, et un quartier délabré dont un immeuble vient de brûler. Pourtant, avec Marc, son conjoint, ils attendent un heureux événement.
Squad est leur ami. Un jeune musicien noir qui croit à sa future réussite. Pour l’instant, il squatte comme il peut, où il peut, et en l’occurrence dans l’ancienne usine désaffectée où s’agglutine un collectif d’artistes.
Quant à Richard Deurthe, on le retrouve acheteur d’appartements et commerces du quartier, proposant des prix exorbitants et inespérés aux propriétaires. Et bientôt c’est le squat de l’usine qui reçoit la visite des flics pour leur signifier leur prochaine expulsion.
Derrière Deurthe, Caspiani tire les ficelles. Il est le maire de Lormon, termine son troisième mandat et a décidé de passer la main, mais avant de s’effacer, il compte bien passer à la caisse pour ses bons et loyaux services rendus aux administrés. Sa femme est à la tête de l’entreprise qui a racheté pour une bouchée de pain l’usine désaffectée. Les services de la mairie n’exercent pas leur droit de préemption sur les appartements et maisons vendus à cette même entreprise. Et c’est toujours la même qui, après le vote du conseil municipal, doit obtenir le marché de rénovation de tout ce quartier ouvrier délabré et insalubre. Une aubaine qui pourrait rapporter gros…
Tous ces personnages sont ceux d’un théâtre, un théâtre de guerre. Deux clans s’affrontent. D’un côté ceux qui habitent un quartier déshérité dans une ville moyenne fictive de l’Aisne, à une centaine de kilomètres de Paris. Un quartier ouvrier comme on en fait plus, où la solidarité n’est pas un vain mot mais une réalité encore palpable, un quartier avec une histoire, malgré sa décrépitude. De l’autre, des politiciens et des investisseurs prêts à se débarrasser par tous les moyens — légaux ou pas — de ce qu’ils considèrent comme une verrue dans leur ville désormais ouverte aux appétits des promoteurs et de leurs clients : les bobos parisiens.
D’un côté comme de l’autre, tous les moyens seront bons pour défendre ou pour détruite. Une guerre…
Une guerre qui en rappelle d’autres à certains. Dans le camp de la mairie, l’homme de l’ombre de Caspiani, Richard Deurthe, est un ancien mercenaire qui a sévi durant la guerre au Moyen-Orient. Au côté des « insurgés », un photographe détruit par sa couverture du même conflit. Entre les deux, Kofi, un grand black à la fois dealer et bienfaiteur du quartier, réinvestissant ses gains dans l’aide sociale, luttant contre les islamistes qui gagnent du terrain, mais instrumentalisé par Deurthe pour précipiter ses projets.
C’est du théâtre vivant, portée par une narration éclatée dont chacun s’empare tour à tour pour éclairer la scène globale. Une lutte des « petits » oubliés contre les « gros » magouilleurs sans scrupules.
Mais sur le champ de bataille, ce sont des êtres humains qui se battent, chacun avec leur histoire respective, leur humanité. Et s’il est une qualité que possède Christian Roux, c’est bien de mettre en lumière cette humanité, et cette difficulté de vivre.
L’éclairage provient de partout, multiplié par la profusion de personnages et d’approches de la situation, le tout apportant un rendu des plus précis. Que deviennent les convictions lorsque l’on est confronté à la guerre ? Il y aura des résistants, des collabos, des assassins et des victimes, des stratégies et des batailles. C’est moche la guerre…
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Christian Roux est un styliste discret. Chacune de ses « apparitions en apporte la preuve.
Les dix premières lignes...
Le rat tente une nouvelle fois de mordre la main qui le tient. Il n’y parvient pas. L’homme joue avec lui comme il le ferait avec un yoyo. Sitôt que l’animal se contorsionne, toutes dents dehors, pour essayer de se délivrer, son tortionnaire imprime un léger balancement à sa queue, et sa gueule claque dans le vide.
Déjà, quand l’homme l’a sorti de sa cage, le rat a tenté sa chance ; puis quand l’homme l’a trempé dans un bocal rempli d’essence, la queue pincée entre deux doigts ; et une dernière fois maintenant, alors que ses poils grésillent sous la flamme et que l’homme le fait tournoyer dans l’air avant de le catapulter dans le soupirail d’un immeuble, où le suivent une deuxième torche vivante, puis une troisième ; des rats qui, comme lui, à peine échoués sur la terre battue, se mettent à courir dans tous les sens pour fuir le feu, sans comprendre qu’ils sont eux-mêmes ce feu, qu’ils lui appartiennent, qu’ils en sont le noyau et le combustible ; que ce feu ne vient pas à eux mais qu’eux-mêmes en sont le vecteur, et qu’après les avoir transformés en amas de chair et d’os calcinés, il les abandonnera pour se jeter sur une autre proie.
Quatrième de couverture...
Une ville moyenne, située à une heure de Paris. Un passé ouvrier, comme en témoignent les bâtiments de l’usine, aujourd’hui désaffectée, et la « cité jardin » où logeaient les salariés. Aujourd’hui le maire a de grandes ambitions pour sa ville : réhabiliter le quartier et transformer les maisons ouvrières en un ensemble résidentiel haut de gamme. Or les habitants ne l’entendent pas de cette oreille. À commencer par Élise, qui attend un enfant et n’a aucune intention de déménager. Quant aux artistes qui ont investi l’usine, ils veulent la transformer en lieu de création. Comme si le maire et les promoteurs allaient se laisser arrêter par une poignée d’opposants ! Il suffit de les faire déguerpir, et là, tous les moyens sont bons, légaux ou non. Cependant, des grains de sable vont se glisser un peu partout et tout enrayer… Comme en temps de guerre, les dégâts collatéraux seront ravageurs.
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...