Sonatine - Février 2024 - Traduction (anglais) : Pierre Szczeciner
Tags : Roman noir Thriller Polar fantastique Crime organisé Discrimination Mystique Truand Quidam Etats Unis Années 2020 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 09 juin 2024
Dans le cabinet du Dr Flynn, Mélissa et Mario viennent d’apprendre que leur fille de quatre ans, Anita, est atteinte de leucémie. Le choc est brutal pour cette famille hispanique installée aux États-Unis où les soins de santé coûtent cher. En accompagnant sa fille, Mario finit par perdre son boulot pour absentéisme et le mauvais sort s’acharnant, il s’avère qu’Anita ne répond pas au traitement. Les médecins proposent alors aux parents d’inclure leur fille dans un protocole expérimental, mais pour qu’elle puisse en profiter, il va falloir trouver de l’argent…
Mario reprend contact avec un ancien collègue qui depuis a versé dans différents trafics. Il avait déjà failli faire affaire avec lui en lui revendant des numéros de cartes bancaires, mais s’était rétracté au dernier moment. Cette fois, pas de marche arrière possible. Sauf que Brian lui propose de tuer quelqu’un. Le risque est grand, mais six mille dollars permettraient de subvenir aux besoins d’Anita.
Si Mario se fait meurtrier, il ne sauve pas sa fille qui décède à peine son acte commis. Ni son couple qui se délite entre colère et culpabilité. Ne reste que la violence à laquelle il a goûté, et Brian qui lui propose un nouveau contrat…
Si l’entame du roman pouvait sembler préparer le lecteur à s’engager au côté du narrateur à une course poursuite macabre pour sauver la vie de sa fille malade en sombrant dans la violence, la suite apparaît bien différente.
Après avoir brouillé les pistes avec une certaine malice, Gabino Iglesias poursuit son récit sur une thématique beaucoup plus sombre dans laquelle on vit le destin de Mario et de ses congénères du côté de la frontière mexicaine.
Originaire de Porto Rico (comme l’auteur), Mario n’est aux yeux des Texans moyens qu’un latino, autrement dit un usurpateur, un immigré, un dangereux délinquant dont il faut se débarrasser en le rejetant au-delà de la frontière, vers le Mexique. Mario n’est rien de tout ça. Pas au départ en tout cas. Il le devient par la force des choses. Et s’il a subi le racisme anti-hispanique, il l’a longtemps supporté dans sa quête d’intégration.
La pauvreté est un marteau qui tape sur votre détermination et sur votre bonheur jusqu’à les réduire en poussière.
Mario s’est engagé dans une spirale qui l’amène à approcher l’univers des sicarios et des cartels. Gabino Iglesias décrit ce monde de l’intérieur, celui des petites mains. La violence y est continue, omniprésente, tout comme, de façon inattendue, une forme de religion teintée de sorcellerie. Les soldats des cartels se savent de grands pêcheurs, ils ont le souvenir d’une église puissante qui a baigné leur culture avant de s’imprégner de croyances et de coutumes plus prosaïques, empruntant à des cultes laissant la part belle à la magie noire.
Le Diable sur mon Épaule est un long voyage de part et d’autre de la frontière entre le Texas et le Mexique, une terre de violence que se partagent (entre autres) les racistes américains et les immigrés mexicains minés par les trafics de drogue. C’est dans cet environnement que Gabino Iglesias invente, dit-on, le barrio noir, un genre littéraire mariant le thriller et le roman noir sur fond de déracinement.
Racontée à la première personne, la dérive de Mario et de ses acolytes ne m’a pas entièrement convaincu. Elle a ce côté hyperréaliste séduisant qui emprunte au roman noir et apparaît comme plutôt réussie avec ces trois personnages de paumés amenés à commettre les pires crimes pour de « bonnes » raisons, ou lorsqu’elle évoque le statut des latinos aux États-Unis, mais elle glisse aussi parfois vers un mysticisme qui frôle le fantastique et l’horreur sans véritable raison, apportant son lot de scènes d’une extrême violence sans véritable nécessité.
Gabino Iglesias a également une fâcheuse tendance à parsemer son texte de sentences à l’emporte-pièce d’une subtilité douteuse, pleine de bons sentiments certes, mais sans grande profondeur.
Le vrai bonheur, c’est quand on n’a besoin de rien. Bien sûr, la nouveauté est séduisante. Hélas, on a la fâcheuse tendance à négliger ce qu’on possède déjà, sans se rendre compte que c’est souvent largement suffisant. Le rire de son enfant, par exemple, est quelque chose d’à la fois gratuit et irremplaçable.
Le roman a été couronné en 2022 du prix Bram Stoker, récompensant les œuvres orientées vers la fantasy et l’horreur.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Pour ceux qui apprécient, l’ensemble de la production de Gabino Iglesias estampillée barrio noir est disponible chez Sonatine. Ses autres romans : Santa Muerte (2020) et Les Lamentations du Coyote (2021).
Les dix premières lignes...
Une leucémie. Le diagnostic de la médecin, une jeune et jolie femme blanche, avec des cheveux bruns qui formaient comme un rideau devant son œil gauche. Elle nous parlait d’une voix douce, du ton qu’utilisent en général les adultes pour expliquer quelque chose à un enfant — un enfant débile. Sa bouche s’ouvrait juste assez pour laisser passer les mots. Elle nous annonça qu’un cancer rongeait les cellules sanguines de notre fille de quatre ans, notre petite Anita qui patientait dans la salle voisine en jouant innocemment avec des Lego. Leucémie aiguë lymphoblastique, des termes étranges et barbares qu’elle prononça d’un ton duveteux qui ne fit rien pour atténuer le choc. Vous aurez beau peindre un fusil à pompe en rose, il n’en sera pas moins létal.
La jeune médecin déclara qu’il était trop tôt pour tirer des conclusions, mais qu’il y avait de grandes chances qu’Anita s’en sorte. « S’en sortir ». Quel détachement dans cette expression, alors qu’on parlait de celle qui comptait le plus au monde pour nous. Elle ajouta aussitôt qu’elle ne pouvait cependant rien promettre (…)
Quatrième de couverture...
Austin, Texas. Lorsqu’on diagnostique une maladie grave à sa fille, le monde de Mario s’écroule. Il se met à négliger son travail, se fait virer sans ménagement, les factures d’hospitalisation s’accumulent et sa femme cède lentement au désespoir. Décidé à relever la tête, Mario contacte Brian, un ancien collègue devenu dealer de meth. Celui-ci lui propose un marché d’une effroyable simplicité : la vie d’un homme, contre six mille dollars. Sans une once d’hésitation, Mario accepte. Et découvre que la violence est un excellent remède à la colère qui l’habite. Mais La Huesuda, la déesse de la mort, plane sur son existence. Et la tragédie le frappe à nouveau. Lorsqu’il accepte une ultime mission pour un cartel de Juárez, la spirale de violence qui se déchaîne alors achève de le convaincre qu’il n’aurait jamais dû ouvrir la porte au diable.
Sa trombine... et sa bio en lien...
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