La Piste du Vieil Homme

Antonin Varenne

Gallimard / La Noire - Avril 2024

Tags :  Road Polar Psychologie Quidam Afrique Années 2020 Moins de 250 pages

Edition originale

Un avis personnel...

Publié le : 12 mai 2024

Recommandé C’est une simple lettre de sa fille Charlotte qui prévient Simon alors qu’il est au soir de sa vie, sur son île d’adoption : son fils Guillaume est à Madagascar, mais on n’a plus de nouvelles de lui depuis six mois. Malgré leurs contacts épisodiques, c’est à lui qu’elle demande de partir à sa recherche.
Simon est un septuagénaire aventurier qui vit sa retraite loin de la France. Avec son pote Patrick, ils sont à la tête d’une minable agence touristique, Mad'aventure, qui loue aux voyageurs de passage de vieilles Coccinelles transformées en buggy.
Simon part bientôt pour la capitale, en quête d’informations sur son fils, et ce qu’il découvre n’a rien d’engageant : ce sont de petits dealers qui en veulent à Guillaume, ce dernier étant parti au bout du monde, en pleine brousse. Une vague croix tracée sur une carte est le seul indice dont il dispose. Simon reprend la route…

Comme son titre l’indique, La Piste du Vieil Homme est un récit de voyage, une visite guidée de Madagascar et de ses habitants, mais loin de la carte postale idyllique. Simon vit là-bas depuis vingt ans, et même s’il reste un « vasah », un colon, il connaît l’île et sa population dans sa chair.
À travers le périple de son personnage, Antonin Varenne décrit avec une certaine tendresse la pauvreté, la corruption, l’amabilité, la beauté des paysages et la cruauté de la vie locale.
Madagascar est un pays abandonné, ravagé économiquement, mais riche d’une population où la débrouillardise est érigée en art, vivant sur le fil, au-dessous du seuil de pauvreté. C’est là que Simon a posé ses valises, épousant à sa manière les us et coutumes de son pays d’adoption.
Avec son grand âge, lorsqu’il se met sur la route en quête de son fils, Simon entreprend à la fois un périple géographique et un voyage intérieur qui l’amène à s’interroger sur sa propre vie : son histoire avec sa femme Gaëlle, décédée il y a longtemps ; son histoire avec ses enfants et leur ressentiment à son égard.

Gaëlle a vécu les yeux sur un horizon qui s’éloignait à mesure qu’elle le poursuivait. Les extraterrestres comme elle vivent en tombant perpétuellement en avant, en déséquilibre et les bras tendus.
On finit par ne plus rêver que d’une seule chose : que la chute se réalise, qu’elle ait une fin. C’est pour ça qu’on se saoule ou se défonce : parce que les chutes des poivrots et des toxicos sont sans douleurs ni souvenirs. Ce sont les répétitions d’une fin paisible et impossible.
L’âge est la clef pour affronter sereinement l’avenir. La leçon n’est pourtant pas compliquée et devrait être à la portée de tous, jeunes et vieux. C’est que l’avenir n’est pas décidé. Plutôt qu’une inquiétude, c’est finalement un gros avantage par rapport au passé. Qui est le vrai danger. Parce que lui ne changera plus. Il est entièrement dit et on n’y peut plus rien. On ne pèse pas sur le passé, c’est lui qui vous pèse dessus et il vous rattrape immanquablement, alors qu’on peut toujours bifurquer ou fuir quand on regarde vers le futur.
Une loi de l’univers que Patrick énonce en termes plus simples : on refout toujours les pieds dans la merde qu’on a laissée derrière soi.

Antonin Varenne entremêle tout ça avec un indéniable talent : les péripéties du périlleux voyage de Simon ; les rencontres faites au fil du chemin, comme avec la délicieuse sœur Françoise, ou encore quelques Malgaches perdus dans la brousse ; les réflexions, le regard de Simon sur son existence.
La Piste du Vieil Homme est un tout dont chaque élément est indissociable de l’ensemble. Une fois à bord, impossible d’en descendre, de lâcher Simon et sa quête, de quitter l’incomparable Madagascar si bien rendue et aimée par l’auteur.

Celui qui voudrait de la gratitude inconditionnelle, quand il construit une école dans le tiers-monde, c’est qu’il n’a rien compris à ce qu’il fait ni chez qui il travaille.
Quand je vois des pubs de l’UNICEF, avec des écoles toutes jolies au milieu de la brousse, des enfants qui rigolent et des institutrices noires qui prennent dans leurs bras des bienfaiteurs blancs, en toute amitié et toute reconnaissance, moi, ça me fait le même effet qu’une pub pour une banque qui se termine par un repas en famille, avec trois générations d’endettés rigolards devant un grand écran et un match de foot. L’effet qu’on veut me vendre de la merde pour mon bien.
L’optimisme est plus utile aux pauvres qu’aux privilégiés qui aiment tant dire qu’ils le sont, optimistes.


Vous avez aimé...

Quelques pistes à explorer, ou pas...

J’avais découvert Antonin Varenne à ses débuts, et était resté sur une excellente impression avec notamment Le Mur, le Kabyle et le Marin, son quatrième roman, paru en 2011.
Monsieur a fait du chemin depuis, sans qu’il croise à nouveau le mien.
La lecture de La Piste du Vieil Homme me conforte dans l’idée que j’ai du retard à rattraper.

Le début...

Les dix premières lignes...

La lettre est sur la table de la cuisine depuis deux jours, mouchetée de chiures de gecko.
Simon,
Je dois te parler de Guillaume.

Brutal.
Simon,
Je dois te parler de Guillaume.
Il est à Madagascar depuis un an. Il m’a donné des nouvelles au début, puis plus rien depuis six mois.
Il y a trois semaines j’ai reçu un coup de téléphone d’un Malgache qui m’a demandé de payer les dettes de Guillaume et de lui dire où il se cachait.
Voici la dernière adresse à laquelle il était, à Antananarivo.
Retrouve-le.
Tu ne t’es jamais occupé de nous, mais s’il y a une chose que tu as toujours su faire, c’était de nous retrouver. Quand maman nous fourrait dans une voiture et s’enfuyait en pleine nuit. C’est ton métier, non ? Guide ou je ne sais quoi. Trouver les pistes et les tribus perdues de ta putain d’île.
Retrouve Guillaume et mets-le dans un avion pour Paris.
Rends-toi utile, tu as encore le temps (…)


La fin...

Quatrième de couverture...

Simon, septuagénaire, a depuis longtemps rompu avec la France et avec ses enfants. Il est installé depuis des années à Madagascar, où il a monté une petite affaire de tourisme. Mais lorsqu’une lettre de sa fille lui apprend que son frère, Guillaume, est lui aussi à Mada et qu’il ne donne plus signe de vie depuis plusieurs mois, Simon part aussitôt à sa recherche. Par les routes et les pistes ravagées de la Grande Île, il suit les indices laissés par son fils. Au rythme chaotique de son voyage, de rencontres en souvenirs, Simon tente de se réapproprier son histoire. Mais n’est-il pas trop tard pour réparer le lien ténu qui l’unit encore à ses enfants ?


L'auteur(e)...

Sa trombine... et sa bio en lien...

Antonin Varenne










Edition(s)...

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Réédition

Du même auteur...

Bibliographie non exhaustive... Seuls sont indiqués ici les ouvrages chroniqués sur le site.

Le Fruit de vos Entrailles Le Gâteau Mexicain Le Mur, le Kabyle et le Marin