Fleuve Noir - Mars 2011
Tags : Truand Quidam France Années 2000 Entre 250 et 400 pages
Publié le : 1er juillet 2012
En 1971, alors qu'ils fêtent à Los Angeles les adieux au music hall de Franck Sinatra, les Costano — des mafieux de Floride — se font cambrioler et voler une toile de grande valeur, restituée quelques jours plus tard contre une rançon de un million de dollars. Un coup de maître, mais un coup risqué pour ceux qui ont réussi à s'enfuir en France…
Paco, Oscar, Albert, Jean et Jacques. Cinq amis, cinq voleurs autour de vingt-cinq ans, une ambition de voyous. Leur gros coup, au States, avait été sauvé par leur amateurisme. Qui aurait osé s'attaquer aux Costano — parmi les plus gros trafiquants de drogue de l'époque — sinon une bande de petits truands parisiens qui ne savaient même pas à qui ils avaient affaire ? Malgré la réussite, la peur au ventre, et maintenant au parfum de leur bévue et des conséquences encourues, les amis décident de se séparer, ne conservant entre eux que le lien annuel d'un rendez-vous codé…
Quarante ans ont passé. Jacques vit une retraite paisible de gangster rangé des voitures, au bord de la Vilaine, non loin de Rennes, jusqu'au jour où il reçoit une photo : lui et ses quatre amis, comprenant du même coup que les Costano ont la vengeance tenace et que malgré toutes les précautions, ils l'ont enfin retrouvé.
Yvan, de son côté, vit en pointillé depuis que Gaëlle l'a quitté, sans un mot. On ne perd pas la femme de sa vie sans conséquence. Il déprime en servant la soupe dans un restaurant, finissant inexorablement ses soirées seul devant la télé. Jusqu'au jour où, sur l'écran, il reconnaît celle qui hante ses rêves ; candidate d'une émission de télé réalité où douze colocataires, filmés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, se battent pour devenir reporter.
Celle qu'il a tant aimé, qu'il aime encore, se comporte pourtant comme une vraie pouffiasse, au point qu'elle annonce qu'elle va révéler le contenu des lettres d'amour pitoyables qu'un de ses ex lui a envoyées durant des mois après leur rupture.
Pour Yvan, c'est un déclencheur. Il abandonne son tablier de serveur, vide son compte en banque, avec dans l'idée de rejoindre Rennes pour y cambrioler la maison des parents de Gaëlle, là où il a envoyé tous ses courriers d'amoureux transis et rejeté…
La convergence sera donc bretonne dans ce récit à deux voix bien distinctes, mené deux fois à la première personne. Deux personnages, deux univers. D'un côté un ancien truand sur le retour qui a réussi un merveilleux coup dans son insouciante jeunesse avant de passer sa vie à fuir, à se cacher, à avoir peur pour ce péché originel. Malgré une carrière de malfrat bien remplie, et alors qu'une journaliste enquête sur l'un de ses anciens complices, Jacques laisse apparaître ses failles et ses rêves oubliés. Que serait-il devenu sans ce premier coup réussi ?
De l'autre côté, Yvan, jeune homme dépressif par amour, pas tout à fait à l'aise dans son époque, prêt à se faire cambrioleur pour sauver l'honneur de son amour perdu. Que serait-il devenu si Gaëlle ne l'avait pas quitté ? S'il ne l'avait jamais croisée ?
Ces deux-là ont en point commun qu'ils se déterminent par leurs rencontres, par l'incidence que celles-ci ont sur leurs vies. L'effet papillon décliné dans les rapports humains…
Hervé Commère maîtrise superbement son récit à deux voix avec un art de l'esquive tout à fait réjouissant. Sans grands effets, mais avec une logique implacable, il arrive à toujours surprendre par ses rebondissements, ses prolongements, nous menant par le bout du nez là où on ne s'attendait pas à aller.
Bien sur les trajectoires de Jacques et d'Yvan vont se croiser, mais bien malin qui pourrait dire, en cours de lecture, à quelle occasion.
Ce que j'aime par-dessus tout, (…) ce qui me fascine, ce sont les destinées. Les chemins que l'on croit se tracer. Ce qui ne cesse de m'émerveiller, ce sont les routes qui bifurquent, les changements de cap, les hasards, les opportunités qui surgissent, les concours de circonstances.
Autour de cette idée, et à travers une intrigue finement travaillée, soutenue par une plume alerte et précise, Hervé Commère nous livre un roman inclassable tout en s'en donnant à cœur joie dans l'art d'organiser son gentil chaos, sans jamais se départir d'un humour sous-jacent et d'un regard malicieux de lutin espiègle porté sur le monde qui l'entoure. Un vrai plaisir.
Quelques pistes à explorer, ou pas...
Hervé Commère récidive chez Fleuve Noir en octobre prochain pour un troisième roman : Le Deuxième Homme. Il faudra se laisser tenter.
Sinon, pour ce même sens de la légèreté et de la phrase juste, essayez William Lashner, ou Paul Colize.
Les dix premières lignes...
Franck Sinatra fit ses adieux à la scène en 1971, mettant ainsi un terme à trente ans de carrière. Cela se passa le 13 juin au soir à Los Angeles. Tout ce que les Etats-Unis comptaient alors de fortunes, de stars et de personnalités divers s'y était donné rendez-vous pour l'applaudir une dernière fois. Dans les flashs des reporters, on put, entre autres, apercevoir Cole Porter, Steve McQueen et Ella Fitzgerald. Au milieu de la chic assistance se tenaient aussi John Costano et son épouse (…)
Quatrième de couverture...
Un truand paranoïaque en cavale depuis quarante ans. Un serveur dépressif qui voit son ancien amour se trémousser dans un jeu de télé-réalité. Quel est le rapport entre ces deux hommes ?
À priori, il n'en existe aucun.
Aucun lien entre ces deux êtres que tout ou presque oppose et qui ne se connaissent pas.
Sauf peut-être une lueur dans le regard d'un vieil homme ou l'obsession d'une journaliste à réunir les pièces d'un vieux puzzle.
Sauf peut-être les ronds dans l'eau.
Car certains actes ont des répercussions inattendues, mêmes longtemps après…
Sa trombine... et sa bio en lien...
Informations au survol de l'image...